
Clovis s’est probablement converti au christianisme par réflexion et non par passion, et les Francs ne se sentaient pas tout de suite Français ; ce que des historiens utilisent comme prétexte, pour affirmer que la vie de Clovis tient du roman national : “Clovis, un roi des Francs surévalué” (Libération, 26 novembre 2011).
La France a une histoire si palpitante que son histoire la plus vérifiée demeure romanesque : quel romancier aurait imaginé les minutes de Jeanne d’Arc à son procès, la Saint-Barthélemy, ou le retour de Napoléon de l’île d’Elbe ?
Le premier grand roman français, La Princesse de Clèves, est d’ailleurs un roman historique, qui ne ménage pas pour autant ses personnages historiques.
Tentons un syllogisme pour expliquer cette aberration du roman national :
1 / Nous savons que le roman national est mythifié : « Si le passé ne nous avait pas légué ses œuvres littéraires, artistiques et monumentales, nous n’en connaîtrions rien de réel. Savons-nous un seul mot de vrai sur la vie des grands hommes qui jouèrent les rôles prépondérants dans l’humanité, tels qu’Hercule, Bouddha, Jésus ou Mahomet? Très probablement non. Au fond, d’ailleurs, leur vie exacte nous importe peu. Les êtres qui ont impressionné les foules furent des héros légendaires, et non des héros réels. » (Gustave Le Bon, Psychologie des foules).
2 / Mais de grands hommes, ayant changé le destin de la nation voire contribué à la sauver, ont cru au roman national :
Ainsi Charles de Gaulle crut à Clovis fondateur de la France : « Pour moi, l’histoire de France commence avec Clovis, choisi comme roi de France par la tribu des Francs, qui donnèrent leur nom à la France. Avant Clovis, nous avons la préhistoire gallo-romaine et gauloise. L’élément décisif pour moi, c’est que Clovis fut le premier roi à être baptisé chrétien. Mon pays est un pays chrétien et je commence à compter l’histoire de France à partir de l’accession d’un roi chrétien qui porte le nom des Francs ». (Charles de Gaulle cité dans David Schoenbrun, Les trois vies de Charles de Gaulle, Ed. Julliard, 1965).
Napoléon Bonaparte crut être fils illégitime de Marbeuf ou d’un père inconnu, qui expliquât sa propre destinée : « Faisant allusion à la liaison connue de sa mère avec M. de Marbeuf, et à la protection de celui-ci sur ses enfants, il expliqua [à Monge] combien il aurait désiré connaître avec certitude son vrai père. La raison qu’il donnait était la curiosité de savoir qui lui avait légué son aptitude militaire. » (Bartel, Jeunesse de Napoléon).
3 / Donc le roman national peut être utile à sauver un pays.