L’inalpe des animaux : monter dans l’alpage pour paître en plus d’espace et de fraîcheur.
Inalpe des humains : être en recherche, comme un réfugié cherche Dieu à l’hospice du Grand-Saint-Bernard ; mais en recherche totale : de muscles, de sacré, de pierres de granite et de quartzite feuilleté.
Et en faire monter ses mots, comme on se met soi-même à l’épreuve des cols et des crêtes, qui élèvent notre corps : tenter de les élever, les affiner et les raréfier.
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Almure et étymonts
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Levé aux aurores à Combloux : « Quand je n’ai pas pris mon café, je ne suis pas encore moi-même. »
Bernard : « Ça peut faire du bien d’être une autre personne. »
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18h de sommeil + croisement raisonné de races + caresses = Chien-Bernard intelligent, calme et doux x Sauvetages
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Bisses, côteaux
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La raréfaction de l’air en altitude empêche de trop respirer pour les raisons qui n’en valent pas la plaine.
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Dîner à l’hospice; une Allemande singe de donner
Son dessert, pour moquer ma politesse à ses amies.
« Help yourself » pensé-je.
Alpes, yourtes, sylphes, assistez-moi.
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La randonnée est à l’origine le trajet de la bête poursuivie.
Toi, chasseur de randonnée faite à plaisir, qui te traque ?
Peut-être l’idée erronée que tu as de toi ; ou l’idée même de toi, qui te suit trop dans ton esprit ; ou le monde des humains, en ce qu’il menace ta vie intérieure.
Au fond, personne ne nous traque, et voilà ce qui fait interrompre la randonnée.
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Bétonne-toi de cimes
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Les sinuosités d’un col donnent à éprouver et à supporter ceux de la personne humaine : il y a du plat, des crêtes, des sentiers caillouteux et cassant les genoux. Telle est la nature humaine, qui mêle la lutte pour la vie à la politesse.
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Hameau de Colombire : se déprendre de ses déplaisirs.
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Bernard : « Alpinisme, danse de survie : un coup de piolet, et deux pas ; un coup de piolet, et deux pas. »
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Hérémence, berceau de cathédrence :
Barrage anti-mondain,
Lac opalin comme main de silence,
Bordé de rives rocheuses comme une île sauvage,
Hâvre d’immensité.
Froid monde :
Roc de la sieste du bouquetin.
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Le chanoine Raphaël : « Faire présence sacerdotale au cœur de la maison. »
Comme un professeur modeste en école de la République.
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Vingt et une heure, lecture en crypte : Complies ne ment pas, son glas te sied.
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Dixit le prévôt de la congrégation du Grand Saint-Bernard : à l’hospice, des hommes des Lumières venus étudier faune et flore devaient s’entendre avec des chanoines à la même table ; la survie entraîne la fraternité.
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Mêle-aises et painoramas
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Lac d’Oechinen
Oeuf, scheinen
Vaches buvant le lac turquoise
Glacier d’ardoise mourant
Mire-râcle
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L’humour est un moine à ski sans bâtons : crucifixion de joie qui glisse.
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Zarastrer en escaladant les rhizoclimes
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Chez Marc à Saint-Luc, en son chalet croulant de livres, randon puis conversations, valant des oraisons : portrait de Mme de Talmont par Mme du Deffand compilé par Cioran ; Marc blâme les « Obséquieux avec les forts et orgueilleux avec les faibles » ; une anecdote sur Soutine sur qui on crache et qui dit : « Celui-là, je ne lui ai jamais rendu service ».
Adorer la montagne, mais surtout garder l’or de la raison. Ne gravir le val à l’horizon qu’en faisant des jeux de mots valorisants.
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La crête relie deux versants,
La cime et le col,
L’ascension et la descente,
Face Nord et face Sud,
Le brouillard et le panorama ;
La crête relie la moraine et la crevasse,
Le glacier vénérable et les alpages hospitaliers ;
Il y a une ligne à arpenter
Entre réflexion et action,
Repos et exploration,
Entre la bonne conversation et le silence,
La prière et la contemplation,
Entre mon for intérieur et les autres,
Famille et amis,
Amour et absence ;
Il y a une crête à parcourir,
Comme le chemin d’un funambule,
Entre la foi et la raison,
Le risque et la prudence,
La lecture et l’écriture.
Et seul dans l’esprit humain ces crêtes se croisent :
Le petit sentier aperçu comme un tremplin vers d’autres cimes,
Et les mots rassurants d’un ami, fidèle ou imaginé.
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Bernard n’en peut plus des soupes communes de l’hospice : « Les guides de haute montagne sont solidaires, mais parce qu’ils sont potes. Il y en a un en difficulté sur la façade à côté, on va lui filer un coup de main.
Sinon, il n’y a pas de solidarité en montagne. Quand une équipe d’alpinistes voit qu’une autre va faire le même versant, elle se met à courir pour le monter la première, et il n’y a plus de : “Allez-y messieurs les Anglais.”
Dans les refuges, c’est pareil, tu pourrais attendre une certaine politesse par la haute altitude, et en fait, dès que quelqu’un est le premier à s’installer, il prend toute la place. »
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